Le Festival

PELLEAS ET MELISANDE / Maeterlinck

13, 16, 19, 22 et 25 août 2013 à 20h30

DURÉE 1h40

MISE EN SCÈNE Clovis Fouin

DISTRIBUTION
Pauline Bolcatto : Geneviève
Julien Campani : Golaud
Baptiste Chabauty : Docteur
Louis Delaunay : Yniold
Antoine Philippot : Arkël
Julien Romelard : Pelléas
Claire Sermonne : Mélisande

Le vieux souverain Arkël destine à Golaud, l’aîné de ses petits-fils, une princesse d’un royaume voisin. Mais Golaud, au cours d’une partie de chasse, découvre Mélisande : une jeune femme abandonnée, dénudée et envoûtante. Il s’éprend d’elle, la ramène au château et l’épouse ; cependant, son frère cadet Pelléas tombe lui aussi éperdument amoureux de la jeune étrangère.

Pelléas et Mélisande est une légende atemporelle, à la fois conte pour enfants et drame cruel. Il est ici question de l’amour, cet amour violent qui déracine, brutalise et ne s’apaise qu’avec la mort ; mais c’est bien cet amour-là qui nous fait parler aux étoiles.



crédit photo : Florence Fouin-Jonas

OTHELLO / Shakespeare

2, 3, 15, 17, 18, 24 et 25 août à 16h

MISE EN SCÈNE Frédéric Jessua

DISTRIBUTION
Elsa Grzeszczak : Emilia
Lazare Herson-Macarel : Othello
Claire Sermonne : Desdémone
Valentin Boraud : Lago

Le spectacle se jouera « hors les murs » : Mazé, Baugé, Charcé Saint Ellier, Saint Rémy la Varenne, Brion et Beaufort en Vallée !

Durée : 1h00

Othello, le Maure, vient de vaincre les turcs pour le compte du Doge de Venise. Il se rend maintenant à Chypre pour prendre ses nouvelles fonctions de gouverneur et retrouver Desdemone qu’il vient d’épouser. Iago, fidèle second d’Othello, rongé par la déception de ne pas avoir été promu officier, décide de détruire le couple…
Une œuvre tragique, mature, intime, sur les apparences et l’honnêteté, ou, ce qui revient au même chez Shakespeare, sur les tréfonds et la méchanceté.

Othello-page

Othello, pièce inspirée d’une nouvelle italienne du début du XVIème siècle, est probablement jouée pour la première fois en 1604 un peu après Hamlet et juste avant Le Roi Lear. Cette version courte interprétée par 5 acteurs du NTP sera conçue pour investir les lieux atypiques qui nous accueillent cette année dans toute la région de Fontaine-Guérin.

La guerre contre les turcs est gagnée, Othello vient de se marier à Desdemone, tout peut commencer…

Vent, noirceur, chaleur, humour, encens et flammes…

LE CERCLE DE CRAIE CAUCASIEN / Brecht

13, 16, 19 et 22 août 2013 à 20h30

DURÉE 1h40

L’Arche est l’agent théâtral de Bertolt Brecht
TRADUCTION Georges Proser

MISE EN SCÈNE ET SCÉNOGRAPHIE Emilien Diard-Detœuf
COLLABORATION ARTISTIQUE Antoine Philippot
COMPOSITION ET RÉPÉTITIONS MUSICALES Antoine Philippotet Sacha Todorov

DISTRIBUTION
Pauline Bolcatto : Le Brigadier, La femme de chambre, une invitée de l’enterrement, Ludovica
Valentin Boraud : L’aide de camp, un musicien, le deuxième homme, Youssoup, un homme d’armes
Baptiste Chabauty : Un mendiant, Simon Chachava, un musicien, le premier homme, le fugitif (le Grand Duc)
Augustin et Jules Delaunay : Michel Abaschvili, le grand garçon (Augustin)
Emilien Diard-Detœuf : Un vieil homme
Joseph Fourez : Un homme d’armes, la cuisinière, Laurenti, un autre homme d’armes
Elsa Grzeszczak : Le prince obèse Kazbeki (frère du Gouverneur), une voyageuse, une paysanne, Aniko (la belle-sœur), une invitée de l’enterrement, un homme d’armes
Sophie Guibard : Groucha Vachnadzé, la mère Géorgie
Lazare Herson-Macarel : Un mendiant, la gouvernante, l’hôtelier, un invité de l’enterrement, Bizergan Kazbeki (neveu du Prince obèse), un homme d’armes, le deuxième avocat
Frédéric Jessua : Un mendiant, le laitier, Azdak
Morgane Nairaud : Natella Abaschvili (la femme du Gouverneur), une voyageuse, une marchande, la belle-mère
Antoine Philippot : Le Chanteur
Julien Romelard : Un mendiant, le valet d’écurie, Tête de Bois, un invité de l’enterrement, Chauva
Sacha Todorov: Le Gouverneur Abaschvili, un musicien, le moine, le premier avocat

 

Le monde a changé, les inquiétudes demeurent. L’époque de Brecht a rêvé un communisme que notre époque a enterré. Mais l’amour de l’autre est encore aux prises avec l’individualisme. L’égoïsme côtoie toujours la bonté. La sollicitude marche toujours dans les pas de la cruauté.

Le Cercle de craie caucasien est l’expérience d’une femme traversant un pays où partout elle est une étrangère ; la pièce raconte sa lutte pour survivre à la chasse lancée contre elle et l’accueil que lui réservent ceux qu’elle rencontrent. Chacun sur sa route a son intérêt à défendre, légitime et sensé, impossible à laisser tomber. « Où sont les vrais gens ? ». Ils existent, mais en petit nombre. Azdak, Simon…La résistance est l’étoile poursuivie par tous et servie par quelques-uns, irréductibles.

« Comment fait-on du Brecht ? » est une mauvaise question. Il faut se demander « que dit-on avec du Brecht ? ». Lui qui recyclait les antiques pour les rendre moins éternels et un peu plus actuels, faudrait-il maintenant le célébrer dans des mises en scène solennelles ? Ne nous a-t-il pas appris à nous emparer de ce que le passé nous a transmis ? N’est-ce pas en leur offrant une vie nouvelle plutôt qu’une vie au musée que les monuments perdurent ? Voilà notre charge, à nous jeunes artistes dramatiques, la seule qui vaille : ne faire avec Brecht que du théâtre. Tout comme nous le faisons avec Shakespeare, Feydeau, Hugo, Molière, etc. Y mettre la vie telle que notre époque nous la fait vivre. Concilier l’impératif de respecter l’œuvre du maître et l’exigence urgente de parler de notre époque, tel est notre sacerdoce. Notre recherche parfois douloureuse d’équilibre, notre insatisfaction joyeuse, notre paradoxe permanent.
Je voudrais parler de notre quête utopique, née d’une lassitude. Je voudrais parler d’une génération, la mienne, qui se défie de la politique mais qui ne rêve que d’engagement ; je voudrais parler de notre attention toujours plus scrupuleuse à la marche générale du monde et de l’inconsolable nécessité de nous en extraire.
Je voudrais parler de nos contradictions.

Emilien Diard-Detœuf

Je me métamorphose / Ovide

16, 18, 20, 22 et 24 août 2013 à 11h

DURÉE 55mn

MISE EN SCÈNE Pauline Bolcatto

DISTRIBUTION
Julien Campani : les prétendants d’Atalante, Hyménée (dieu du mariage), le roi Midas
Joseph Fourez : Vénus (déesse de l’amour), Orphée, Dionysos (dieu de la vigne et du théâtre), Tmolus (montagne)
Sophie Guibard : Atalante, Pluton (dieu des enfers), Pan (divinité de la Nature)
Claire Sermonne : Oracle, Hippomène, Eurydice, Silène (satyre, père adoptif et précepteur de Dionysos), le Valet préféré du roi Midas, Apollon (dieu de la musique et de la poésie)

​Les amours d’Eurydice et Orphée, le poète qui fait marcher les arbres et parler les animaux… La course d’Atalante, la fille la plus rapide du monde… Les oreilles d’âne du roi Midas, qui change tout ce qu’il touche en or…

​Source de nos cultures, échos de tous les temps et de tous les âges, Les Métamorphoses du poète latin Ovide raconte l’histoire du monde à travers celles de personnages légendaires confrontés à l’intervention magique des dieux. Femmes, hommes, éléments et choses sont transformés en animal, en monstre, en montagne, en or ou en souvenir !…
Et se métamorphoser, n’est-ce pas ce que nous appelons tous « grandir », quand nous découvrons, pas à pas, les multiples et surprenantes facettes de notre identité ? Nous avons choisi le théâtre – notre moyen de transport favori – pour aller réveiller trois de ces histoires merveilleuses… Petits et grands, vous êtes les bienvenus à bord !

Pour que vive le Nouveau Théâtre Populaire !

Par Armelle Héliot le 9 mai 2013 13h49 | Réagir

Créé par Lazare Herson-Macarel et ses amis, ce jeune festival en est à sa 5ème édition. En quelques étés, il a su trouver le coeur du public. Mais un événement imprévu compromet la suite de l’aventure. Vous pouvez aider ces jeunes artistes ! Exposé rapide des faits !

 

Alerte ! Alerte ! Le Festival Nouveau Théâtre Populaire risque de perdre son lieu de naissance !
Et, dans cette manifestation, l’esprit du lieu est très important.
Nous vous avions raconté les débuts de l’aventure (voir ce blog).

Lazare Herson-Macarel, actuellement en congé du conservatoire (qu’il réintègrera à la rentrée pour retrouver sa chère professeur Nada Strancar) parce qu’il joue dans Les Liaisons dangereuses, mise en scène de John Malkovich  a un jour investi le jardin de la maison de sa grand-mère…

Et le Nouveau Théâtre Populaire est né : NTP, cela vous rappelle quelque chose ?

Ecrivain précoce, chef de troupe, comédien remarquable, fils d’Eric Herson-Macarel l’excellent interprète du Porteur d’histoire d’Alexis Michalik (avec d’autres comédiens et comédiennes), le jeune Lazare est une personnalité très forte.

Il sait construire. Il a construit.

Avec trois sous et la moitié d’un.

Et une troupe de 17 jeunes comédiens, lui compris.

Aujourd’hui, la troupe compte 17 personnes :  Léo Cohen-Paperman, Lazare Herson-Macarel, Clovis Fouin, Emilien Diard-Detoeuf, Pauline Bolcatto, Sophie Guibard, Julien Campani, Valentin Boraud, Antoine Philippot, Lola Lucas, Sacha Todorov, Frédéric Jessua, Morgane Nairaud, Joseph Fourez, Julien Romelard, Claire Sermonne, Elsa Grzeszczak et Baptiste Chabauty.  (c’est l’ordre que donne le site).

Photo DR

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Quatre étés durant, ils ont su grandir en présentant, à la Fontaine-Guérin, en Maine-et-Loire (49), des spectacles ambitieux, fédérateurs.

Les règles sont simples ici : on arrive texte su, on répète sur un rythme très soutenu, on joue !

On ne se paye pas. Et on paye beaucoup de sa personne. Ces artistes véridiques, bénévoles, ont le goût de la très belle ouvrage et la fougue de leur jeunesse. Mais ils sont d’abord responsables et ne sont pas ici pour accumuler des heures d’intermittence.

Le NTP, c’est une parenthèse enchantée qui a beaucoup d’avenir, beaucoup de « potentiel » comme on doit dire aux futurs financiers…

Tout se passe donc dans le jardin d’une maison et cette maison sert de coulisses, de lieu de répétition, d’accueil, etc…

C’est la maison de la grand-mère de Lazare. Or; malheureusement, cette grand-mère tant aimée et généreuse est décédée il y a quelques mois.

La maison est en indivision. Elle va être vendue.

Lazare et sa bande appellent donc au secours le public, le cher public qui a vu les spectacles et celui qui viendra un jour !

Ils espèrent racheter la maison et ainsi travailler à l’année à la Fontaine-Guérin.

C’est donc l’urgence : envoyer un peu d’argent à la troupe pour que, lorsque les entreprenants et très doués artistes rencontreront la notaire, ils puissent lui donner quelque assurance !

Pour ces jeunes qui ont une règle : les places sont à 5€ ce qui permet de venir en famille, de venir plusieurs fois, de voir l’ensemble des propositions, faites un effort !

Ils ont fêté la 100ème représentation et le 10.000ème spectateur !

Le succès est là.

Le succès est là aussi pour le début de cette aventure de mécénat.

Cet été, ils jouent : Ruy Blas de Victor Hugo, Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, Le Cercle de craie caucasien de Bertolt Brecht, Othello, le Maure de Venise de William Shakespeare. Et ce n’est pas tout ! A l’affiche également : Je me métamorphose d’après Ovide et Les Mille et une nuits.

A voir entre le 12 et le 25 août inclus.

Ils ne sont pas seuls. Les collectivités territoriales les aident : la Communauté de Communes de Beaufort en Anjou et Anjou Théâtre – EPCC du Conseil général du Maine-et-Loire.
Et la commune de Fontaine-Guérin elle-même.

Toutes les procédures pour les soutenir sont sur le site.

Tous renseignements au http://festivalntp.com

Il y a aussi un compte Facebook

Et cette autre adresse http://festivalntp.com/venir-aux-ntp/

Adresse postale : Plateau Jean-Vilar, 8 rue Célestine Garnier, 49250 Fontaine-Guérin.

Le lien pour accéder à la page web d’origine : http://toutelaculture.com/spectacles/theatre/interview-lazare-herson-macarel-le-ntp-defend-un-ideal-de-solidarite-de-partage-et-de-democratisation-culturelle/

[ Interview ] Lazare Herson-Macarel : « Le NTP défend un idéal de solidarité, de partage et de démocratisation culturelle »

1 juillet 2013 Par Lucie Droga

Il y a quelques jours, on vous parlait de la troupe du Nouveau Théâtre Populaire, qui, depuis 2009, organise son festival dans le lieu enchanteur de Fontaine-Guérin : 14 comédiens, 11 jours de représentations dans une ambiance chaleureuse et magique. A l’occasion de cette cinquième édition, nous avons rencontré le comédien Lazare Herson-Macarel autour d’un café, à l’heure où le festival est menacé…

En guise d’introduction, peux-tu présenter le Nouveau Théâtre Populaire ?

En quelques mots, le festival du Nouveau Théâtre Populaire est un festival de théâtre créé en 2009 par une troupe de jeunes acteurs et qui a lieu depuis tous les étés. Le principe du NTP est simple : on souhaitait revenir à l’essentiel, avec un plateau en bois, un jardin à la campagne, des acteurs engagés et des grands poèmes dramatiques. Depuis la première édition, nous avons monté 18 grands spectacles classiques. C’est un festival qui défend un idéal à la fois de solidarité, de partage et de démocratisation culturelle, et qui s’est donné comme principe de pratiquer un tarif unique de 5 euros la place pour tous les spectateurs.

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de monter le NTP ?

Il y a ce qu’on veut faire et ce qu’on peut faire : on savait qu’on voulait s’attaquer à de grands textes, faire nos armes et on s’est vite rendu compte que Fontaine-Guérin était le lieu idéal, encore plus dans le contexte actuel, où, si l’on met de côté quelques exceptions, pour nous autres jeunes compagnies de théâtre, les portes sont globalement closes. Alors, plutôt que d’attendre dehors devant la porte, on s’est dit qu’on allait créer notre lieu et très vite, on s’est aperçu que c’était possible. La deuxième chose, c’était cette idée de décentralisation : pour la troupe, on avait en tête que l’on fait réellement du théâtre quand on va jouer devant un public qui n’en a pas forcément l’habitude. C’est la rencontre avec le public qui nous a motivé : j’ai en mémoire une citation de Gabriel Garcia Marquez qui explique qu’un grand spectacle doit plaire au plus vieil intellectuel, à un enfant de six ans, à un sourd et un aveugle. Je pense qu’on partage cette idée là avec la troupe, et c’est pour cette raison qu’on s’est retrouvé ensemble au festival.

Justement pourquoi ce lieu, situé à Fontaine-Guérin ?

On voulait faire du théâtre à un endroit inattendu et il se trouve que depuis tout petit, je vais dans cette maison qui appartenait à ma grand-mère. C’est rapidement devenu le lieu idéal pour la construction de notre théâtre, à la fois calme et évocateur qui pouvait faire de nos représentations un moment magique : quand on se trouve au bord du plateau, on est cerné par quatre éléments ; la forêt, le cimetière, le clocher de l’église et le coucher de soleil. En fait, c’est le lieu parfait pour notre théâtre et c’est pour cela qu’après cinq ans de travaux et de succès relatif, on veut le défendre : la troupe comme les spectateurs s’y sont attaché et on veut qu’il pérenne, qu’il survive.

Le Nouveau Théâtre Populaire fait clairement référence au Théâtre National Populaire de Jean Vilar, mais pourquoi changer le « national » en « nouveau » ?

Précisément parce qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas national (rires) ! La responsabilité de la nation, en tant que structure, est à peu près égale à zéro pour l’instant. Le NTP c’est donc à la fois un hommage à la démarche de Jean Vilar et une critique implicite de cet univers où nous sommes obligés, pour le meilleur et pour le pire, d’inventer de nouveaux modes de productions. C’est ce qui est en train de se passer en ce moment : les acteurs et les spectateurs font alliance pour faire exister un théâtre à l’heure où il est difficile d’obtenir un soutien public, essentiellement à cause de la crise économique. Il y a peu, je suis allé à Fontaine-Guérin pour un rendez-vous avec les pouvoirs publics qu’on tente de mobilier. Comme à chaque fois, j’ai fait le tour du plateau en bois : il y avait une fleur qui avait poussé entre deux planches de bois. Cette image, que nous diffusons largement depuis, représente bien pourquoi on s’appelle « nouveau » car elle montre que même dans un contexte difficile où l’on tente de nous faire croire que rien n’est possible, avec beaucoup de travail et de volonté, on arrive malgré tout à fonder quelque chose. C’est la raison pour laquelle on ne veut pas abandonner cette aventure en si bon chemin.

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Tout à l’heure tu parlais de démocratisation : comment cette idée se concrétise dans la pratique ?

Il y a plusieurs choses : d’abord, le chiffre symbolique, ce fameux tarif à 5 euros qui permet à des gens de venir voir trois fois nos spectacles, ce qui serait impossible avec un tarif plus élevé. A ma connaissance, c’est même le seul endroit où on peut assister à des représentations qui mettent en scène 14 acteurs professionnels en ayant payé 5 euros. C’est ce qui permet aux spectateurs de venir au théâtre en famille pour 25 euros ou, pour d’autres, de faire cette démarche d’aller au théâtre, alors qu’ils n’en ont pas forcément l’habitude. L’autre choix qu’on fait et qui est pour nous intimement lié à l’idée de démocratisation culturelle, c’est celui de « l’excellence » :  une partie de la troupe est constituée d’acteurs professionnels (ndlr : tous les acteurs sont issus du Conservatoire National d’Art Dramatique de Paris, des cours Florent ou du Théâtre National de Strasbourg ) qui partagent un idéal commun, celui de la pratique, de leur engagement sur le plateau et de la philosophie du NTP. Il y a aussi le choix du répertoire : on choisit des  œuvres qui ont toutes en commun de mettre en scène des visions de l’être humain ambitieuses, larges et qui sont donc susceptibles de parler à tout le monde. Ces trois choses-là, le tarif volontairement bas, l’engagement des acteurs et le choix d’un répertoire réputé difficile, mais tout simplement parce qu’il est génial, sont les éléments les plus importants de ce qui, pour nous, représente la démocratisation culturelle. C’est ce qu’on essaye de mettre en pratique avec ce festival.

Vous mettez aussi en scène des pièces pour le jeune public : est-ce parce que vous souhaitez les sensibiliser ou parce que vous considérez que les enfants ont peut-être un rapport plus direct avec le théâtre ?

Quand on dit qu’on veut faire du théâtre pour tout le monde, il faut commencer par les enfants. Plus profondément je crois que même si on est obligé de faire une différence entre spectacle « jeune public » et « tout public », la programmation jeune public est loin d’être un détail. Tous les spectacles qu’on monte sont faits dans cette idée qu’il faut que ça puisse plaire, parler, à un grand intellectuel comme à un enfant de six ans. Je pense qu’on apprend autant notre métier en faisant du spectacle jeune public qu’en faisant les grands spectacles du soir. Il y a une sorte de continuité entre les deux : pour l’anecdote, nous avons reçu le message d’une spectatrice qui nous disait avoir tellement aimé les spectacles du soir, qu’elle et son mari, tous les deux retraités, étaient venus à 11 h du matin pour assister aux spectacles pour enfants et qu’ils s’étaient régalés. J’aime assez l’idée que les enfants puissent voir des spectacles tout public et que leurs parents assistent aux spectacles jeunes public. Avec la troupe, on travaille l’engagement de l’acteur qui rend évident le rapport au spectacle. Nous sommes loin de cette idée de calibrer les spectacles et plus encore, on rejette le mot « cible » qui accourt dans l’institution théâtrale aujourd’hui.

Pour avoir vu Une histoire de paradis l’année dernière, c’est vrai que le public était composé aussi bien d’enfants que de parents !

C’est drôle, ce spectacle particulièrement est une réussite car les enfants riaient et les parents pleuraient… Ce qui nous anime, dans les spectacles dits pour enfants, c’est le fait de s’adresser à l’adulte qui est en chacun d’eux, de leur parler de ce qu’on ne leur parle pas d’habitude et d’aborder les grands sujets. Pour ça, le NTP est l’endroit rêvé pour développer des visions ambitieuses, pas moins le matin que le soir.

Le public vous est-il fidèle, et d’où vient-il ?

Plus que fidèle, il est en expansion : pour la toute première édition, 700 spectateurs sont venus et pour la quatrième, celle de l’année dernière, nous en avons reçu 3 700. Si le public est en constante augmentation c’est notamment parce que l’aventure du NTP est suffisamment insolite et défendue pour que le bouche à oreille fonctionne, au-delà du premier cercle public. Au départ, notre public venait d’un rayon d’une dizaine de kilomètres : l’année dernière, on a vu des spectateurs qui, sans nous connaître, arrivaient de Paris pour assister à la représentation de Ruy Blas. Depuis l’affaire de la souscription, beaucoup de gens ont entendu parler du NTP : aujourd’hui on peut dire que c’est une aventure à la croisée de la petite et de la grande histoire. Pour nous, l’histoire intime née dans un jardin dans un petit village, est en même temps, une aventure qui voudrait être l’invention d’un nouveau mode d’existence pour les jeunes artistes.

Pour cette nouvelle édition, vous avez choisi des textes un peu « osés », que peu de gens connaissent et qui peuvent même sembler difficiles…

On ne sait pas vraiment ce que sont des textes faciles ou difficiles… La première année, quand on a monté Roméo et Juliette et Le Misanthrope, certains spectateurs nous ont dit que c’était loin d’être des textes faciles. Nous, on aime bien répondre qu’un chef d’œuvre, c’est toujours facile ! Les grands poètes ne sont pas des obstacles, mais bien des alliés. Cette année, nous avons choisi de mettre en scène Le Cercle de craie caucasien de Brecht et Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, des créations proches de nous dans le temps et qui ont donc moins été agréées comme étant de grands classiques. Ce sont mêmes des pièces suffisamment récentes pour être résolument modernes et générer des polémiques. Mais c’est peut-être une évolution importante de notre mission : après quatre années avec un public fidèle et de plus en plus nombreux, nous avons considéré qu’on pouvait faire découvrir des œuvres que les gens connaissent moins largement. Simplement parce que ces auteurs sont des poètes qui ont besoin d’être plus défendus que Shakespeare ou Hugo. Il s’agit d’un pari, voir si le public est suffisamment fidèle pour nous suivre à la découverte de ces auteurs : comme le dit St Juste dans La Mort de Danton « Osez ! Danton ne nous aura pas appris ce mot pour rien ! ». Notre travail consiste donc à renouveler toujours l’audace et à lutter contre les idées reçues selon lesquelles le public a besoin de pièces « faciles ». Et on ne peut lutter contre cette idée qu’avec l’aide des spectateurs : nous sommes satisfaits quand ils se sentent touchés parce qu’on les a honoré par la complexité d’un texte de Shakespeare… Qui n’est pas une difficulté, mais simplement du génie !

C’est donc un peu une mise en danger, et pour la troupe et pour le public …

Oui,  il y a une sorte de pari, mais qui est censé être le garant de notre vitalité. C’est une manière de repousser les limites de ce qu’on a pu faire jusque-là. Pour aller à la rencontre du public, nous avons monté des pièces importantes, tellement importantes qu’elles sont unanimement reconnues. Aujourd’hui, on s’attache à une chose passionnante : mettre en scène des œuvres issues du XX ème siècle et qui sont pour beaucoup encore, à découvrir.

Où en est cette affaire de souscription ?

Le résumé de Toutelaculture explique très bien la situation paradoxale dans laquelle nous sommes aujourd’hui, à la fois en pleine expansion et menacés de disparition. Ce festival n’aura jamais pu voir le jour sans l’accord de ma grand-mère, Marie-Claude Herson-Macarel ; suite à son décès en octobre dernier, ses quatre enfants doivent revendre la maison à Fontaine-Guérin. Or, cette maison a toujours accueilli le festival et est devenue+, au fil des ans, notre théâtre idéal. Pour ne pas renoncer à cette aventure, nous souhaitons nous porter acquéreurs de la maison pour que le NTP devienne propriétaire et qu’il puisse développer une activité à l’année, rendre permanent ce lien très fort qui s’est tissé entre la troupe et le public. C’est pourquoi nous avons lancé une grande souscription en avril dernier avec l’objectif de trouver un apport initial de 50 000 euros à la fin du festival. Cette année, l’édition aura lieu entre le 12 et le 25 mais avant le 25, nous ne saurons pas si nous sommes en mesure d’acheter la maison et donc, de sauver le festival. Une fois de plus, c’est une expérience ou le public répond présent, ce qui nous donne une foi en notre travail, en sa nécessité et son exception. Quand le pouvoir public fait défaut, c’est magique de voir autant de gens se mobiliser pour permettre au NTP d’exister… On garde espoir grâce à toutes les personnes qui croient en ce genre d’aventure !

NTP

http://theatrummundi.ragemag.fr/le-nouveau-theatre-populaire/

Le Nouveau Théâtre Populaire

Publié le 16 mai 2013 | par Pascal Adam 0

A la marge d’un paysage théâtral français aussi assis que sinistré, cultivant avec une complaisance macabre scepticisme et morosité, cherchant à étendre à tout le réseau national décentralisé un parisianisme imbécile, puissante petite chapelle inféodée à l’idéologie libérale-libertaire violemment mise en avant par un Ministère de la Culture et des médias éprouvant des difficultés à franchir le périph’ et luttant à toute force contre ce qu’il demeure d’un universalisme français ; à la marge, disais-je donc, de cette gabegie déprimante prompte à faire fuir tout ce qui n’est pas soumis déjà à l’idéologie en question ou réquisitionné par l’Education nationale, s’est discrètement développé, ces cinq dernières années, le Festival NTP – Nouveau Théâtre Populaire. Cette entreprise à la fois « humble et mégalo », née de l’initiative d’une quinzaine de jeunes comédiens, pour l’essentiel pourtant formés dans les cadres institutionnels existants, s’installe chaque mois d’août dans un bled inconnu de 800 habitants du Maine-et-Loire, Fontaine-Guérin, et propose en plein air une vingtaine de représentations en douze jours. Essentiellement des grands textes. Avec un succès croissant. C’est au moment où la troupe est confrontée à la nécessité d’acquérir la maison où elle se produit, et où elle fait appel à la générosité du public, que j’ai rencontré Léo Cohen-Paperman, un des membres du NTP.  

PA. La simple liste des auteurs montés en quatre festivals par le NTP, à Fontaine-Guérin, laisse rêveur… Hugo, Corneille, Shakespeare, Feydeau, Büchner, Molière… et pour cet été Brecht, Maeterlinck, Ovide. L’acte fondateur, construire de ses mains un plateau de théâtre pour amener les grandes œuvres du théâtre où il n’est pas, est à la fois très symbolique et très concret. Les références au Théâtre du Peuple de Bussang ou à Copeau, toutes proportions gardées, comme le détournement du logo du Théâtre National Populaire, paraissent immédiatement justes. En même temps, on se dit que, presque cent ans après l’appel du Vieux-Colombier de Copeau et après des décennies de décentralisation théâtrale (mais décentralisera-t-on jamais autre chose que le centre, le centre toujours recommencé ?), c’est comme si rien n’avait été fait vraiment, que la décentralisation avait foiré complètement jusqu’à devenir un discours parisien de moins en moins épatant, à moins que tout ne soit toujours à refaire, pour qu’un groupe de jeunes acteurs formés dans les écoles nationales de théâtre en vienne à aller installer un plateau artisanal dans une commune inconnue, à travailler bénévolement et à donner en douze jours plus de vingt représentations.

LCP. Il est difficile de répondre à ta question sur la réussite de la décentralisation théâtrale. Qu’est-elle devenue ? Comment peut-on juger de sa réussite ou de son échec ? Au nombre de spectateurs ? A l’accès aux salles pour le plus grand nombre ? Je répondrai en parlant du festival, qui se veut populaire (car la force du théâtre, c’est d’être populaire – sans être majoritaire).

La force du NTP tient, à mon sens, en ce que le festival n’est pas né dans un cadre institutionnel. Il est le fruit d’un mouvement collectif – ce qui est déjà une victoire sur le néant ! Nous avons inventé le NTP parce que notre horizon d’artiste, à Paris, était nul.  Egoïstement, le festival représentait d’abord pour nous la possibilité de faire nos armes en nous confrontant à de grands textes. Aujourd’hui, il est très difficile – quand on estime que son travail mérite un salaire – pour un jeune metteur en scène de monter au cours de la saison théâtrale une production avec plus de cinq acteurs au plateau. La conséquence immédiate de cette difficulté est l’impossibilité (ou la peur) de se confronter aux grandes œuvres du répertoire et de les montrer à un public. Le NTP a permis cela. De jeunes femmes et hommes de théâtre s’arrogent le droit de relire Corneille, Shakespeare, Molière… Sans rien demander à personne. C’est donc la naissance d’une génération.

Avec le temps, et la franche réussite qu’a rencontrée notre entreprise, je me suis beaucoup interrogé sur la signification de ce succès. Pourquoi les gens (et je ne parle pas des gens du métier, mais de l’ensemble du public, très hétérogène, qui vient nous voir chaque été) viennent-ils si nombreux et nous font-ils des retours si encourageants ? Dire que cela tient uniquement à notre talent serait faux et prétentieux. Les spectateurs nous parlent souvent du cadre idyllique, ce plateau de bois qu’on découvre caché dans un jardin – et autour le cimetière, la forêt et  l’église… Sans le formuler, je crois qu’ils apprécient d’abord la permanence de l’entreprise, son immuabilité, dans un certain sens. Les gens verront chaque année la même troupe traverser des œuvres aussi différentes que Corneille, Brecht, Maeterlinck, Shakespeare… Chaque année, cette troupe appartient un peu plus à son public.

Ce qui rend possible cette reconnaissance, je crois, tient d’abord dans le fait que nous ne cherchons pas le mouvement. Nous cherchons d’abord (et le reste vient, mais il vient ensuite) à faire du théâtre là où nous sommes. Sans le savoir (ce serait mentir car maintenant, nous le savons), nous luttons. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que tout doit être mouvement (je me permets là-dessus de renvoyer au livre de Jean-Claude Michéa, Les Mystères de la gauche), et que le théâtre n’échappe pas à la règle. Au XXIe siècle, on ne fait pas une pièce pour son public, ou pour un public. On fait une pièce pour qu’elle tourne. C’est fade, c’est triste. Au NTP, nous créons d’abord nos spectacles pour qu’ils puissent habiter un lieu bien précis. Nous donnons d’abord nos spectacles à notre public (j’entends par notre public : tous ceux qui viennent assister à nos représentations). Cela n’est pas démagogue, dans la mesure où nous ne cherchons pas forcément l’approbation. Nous travaillons avec lui à la construction d’une histoire commune. C’est peut-être en cela que le NTP ouvre une nouvelle page de la décentralisation, en résistant aux pratiques habituelles du théâtre public, qui veut mettre dans le  mouvement du marché chaque nouvelle production. Un théâtre, une troupe, un lieu.

D’une certaine manière, donc, nous sommes réactionnaires (puisque le progrès consisterait en l’application de la formule « toujours plus de mouvement, toujours plus de marché »). A Fontaine-Guérin, nous proposons un théâtre exigeant et populaire. Exigeant dans la mesure où chaque metteur en scène (dont le projet doit être au préalable accepté et voté par la troupe) propose une véritable lecture d’un texte. Il ne s’agit pas seulement de donner à entendre tous ces grands auteurs, mais d’en faire une expérience singulière. Populaire ensuite, dans la mesure où nous ne faisons « que » du théâtre. J’insiste là-dessus car il me semble que c’est ce qui a peut-être perdu une partie du mouvement de décentralisation. Le NTP est un festival de théâtre, parce que nous ne savons faire que ça ! Et le public retrouve dans cette simplicité, dans cette immuabilité une chaleur et une certitude qu’il ne trouvera pas dans un théâtre public, puisque celui-ci est et se veut reflet de toutes les modes (bonnes ou mauvaises, ce n’est pas à moi d’en juger), des toutes les tendances actuelles de l’art vivant, bref… De ce qui passe. Toujours l’idée libérale du mouvement. Nous, humbles et mégalos en même temps, proposons une idée plus ferme et plus durable du théâtre. Il n’y a pas de danse, pas de soirée à thèmes, pas de cocktails dansants. Il y a du théâtre. Et c’est bien !

PA. Je crois que tu réponds tout de même, au moins sur deux plans, à propos de la décentralisation. Que le théâtre public veuille mettre dans le mouvement du marché chaque nouvelle production dit assez bien ce qu’il est devenu et que, contrairement à ce qu’il répète comme un mantra, il ne résiste à rien du tout, mais participe sur une base de financement public à cette libéralisation de tout et de n’importe quoi ; au surplus, je pense qu’une telle affirmation n’aurait pas été aussi juste il y a vingt ans, ou qu’elle aurait alors appartenu aux choses qu’on pouvait redouter, et qui sont hélas advenues. Mais tu réponds aussi en opposant de fait l’idée du théâtre populaire (« que » du théâtre) à celle du théâtre public (« toutes les modes… toutes les tendances… ce qui passe »), c’est-à-dire en opposant ici populaire et public, deux qualificatifs qu’on avait longtemps voulu compatibles, et qui semblent bien ne plus l’être, puisque le NTP ne peut réellement se développer que hors de l’institution. On retrouve d’ailleurs là, appliquée à la chose théâtrale, cette idée d’une rupture fréquemment dénoncée entre le peuple et l’Etat (ou je ne sais quelles élites). Il se peut donc que le théâtre public soit amené bientôt à produire de moins en moins de théâtre, mais des spectacles vivants de plus en plus nomades et à la qualité de langue de plus en plus réduite, et que des entreprises plus spécifiquement théâtrales, à la fois différentes et comparables à la vôtre, soient amenées à voir le jour, et à s’ancrer localement. D’ailleurs, si l’on pousse un cran plus loin, on s’aperçoit que le NTP aujourd’hui fait appel aux dons de personnes privées pour acquérir la maison où il se produit à Fontaine-Guérin, et a donc recours, même dans une économie pauvre, à la sphère privée pour s’implanter localement, quand, au contraire, l’institution publique mise tout sur la rhétorique libérale du mouvement dans une espèce de fuite en avant où tout ce qui se fait de neuf est bien puisque neuf, etc…

Ce qui me fait un petit peu tiquer, et sur quoi je voudrais t’interroger plus avant, c’est l’idée de génération. Je reprends ce que tu dis : vous êtes de jeunes hommes et femmes s’arrogeant le droit, et c’est heureux, de relire les anciens. En quoi est-ce la naissance d’une génération ? En quoi cela se distingue-t-il d’un phénomène de bande, puisque l’idée de génération implique aussi celle d’un lien fort, filial, et souvent celle d’un partage concret (du plateau, par exemple) avec la génération précédente et, à terme, avec la génération suivante ? Je comprends bien que les choses se sont faites sur un constat quant au milieu et sur une impulsion fougueuse, nécessaire, mais le risque n’est-il pas de devenir une bande, une strate de plus dans un monde qui stratifie, essentiellement pour des raisons de consommation : le monde théâtral est plein de petites compagnies de gens du même âge, dans les unes des gens de cinquante ans font encore les jeunes premiers, dans les autres des gens de vingt-cinq jouent les barbons. Et de la même façon qu’on peine à représenter le monde en étant quatre ou cinq sur un plateau, peut-on représenter le monde quand tous ceux qui prennent part à la représentation ont le même âge, au risque que la représentation la plus juste des milieux et des âges ne soit de fait… dans le public ? Et encore une fois, je comprends bien que les choses initialement se distribuent de fait ainsi, mais je voudrais savoir comment le NTP, s’il l’envisage, envisage cet aspect.

LCP. Je ne rejette pas l’idée de partage entre les générations ! Il n’y a rien de plus puissant que de voir sur scène les trois âges réunis – père, fils et grand-père. Le NTP a déjà accueilli des acteurs plus âgés ou plus jeunes. Je pense au Diègue du Cid ou au Fléance de Macbeth. Pour l’avenir, il peut être réjouissant d’imaginer comment d’autres père, grands-pères et – bientôt – d’autres fils pourront continuer de grossir nos rangs.

En revanche, il est important de rappeler que la conception et la mise en œuvre du festival nous appartiennent. Nous sommes nés lors de l’effondrement du bloc communiste, nous n’avons connu que le capitalisme libéral et triomphant. Le premier événement marquant pour notre génération fut le 11 septembre (et le délire sécuritaire instauré depuis). Nous amorçons notre vie de femmes et d’hommes au moment où l’état de crise économique, écologique et politique est vécu comme un fait structurel. Plutôt que de remplir le tonneau sans fond comme les Danaïdes (et pour nous, cela signifierait de devenir uniquement les servants du système), nous avons décidé de rompre le cycle, de faire un « pas de côté ». Cette rupture pour revenir au plus près du réel (nous avons construit nous-mêmes notre plateau, et cela est à la fois concret et symbolique) révèle notre élan joyeux, optimiste, espérant. Le NTP est d’abord né, je crois, de notre irrépressible besoin d’espoir, quand tout autour de nous poussait à la résignation. Le répertoire proposé jusqu’ici reflète bien cette idée. Shakespeare, Hugo, Corneille, Brecht… Plutôt que Tchékhov, Ibsen (celui des pièces réalistes, de Solness ou des Piliers de la société…), voire Beckett. Il ne s’agit pas de hiérarchiser ces auteurs, mais de montrer que nous assumons notre désir de lyrisme et de théâtre épique.

PA. Restons avec les auteurs. Ce que je trouve intéressant dans le NTP, tel en tout cas qu’il se présente, c’est que les metteurs en scène, si nécessaires soient-ils, ne sont pas mis au premier plan ; cela rompt avec l’exercice dominant qui fait aujourd’hui d’eux dans le travail institutionnel et artistique, de remarquables exemples d’une personnalisation du pouvoir, et simultanément, du point de vue de la diffusion (faut que ça tourne) des marques, presque au sens industriel, et l’on va voir le dernier Machin comme on achète le dernier smartphone… Ici, non, on sent que ce sont les auteurs et le public qui vous intéressent, et au centre, en situation de servir et les uns et l’autre, mais au sens noble cette fois du verbe servir, les acteurs, et des acteurs capables de décisions collégiales, collectives et finalement politiques – c’est-à-dire aussi responsables et cohérentes. Ce qui est, je trouve, un retour aux fondamentaux de la chose théâtrale. Comme aussi, de façon très concrète, le fait d’installer votre plateau en plein air, l’été, « entre la forêt, l’église et le cimetière ». C’est une idée du théâtre comme fête, comme joie, assez éloignée du sinistre festivisme autoproclamé de l’époque. Maintenant, il me semble que tout en traçant cette ligne de partage non hiérarchique entre des auteurs qui seraient épiques et susceptibles de mobiliser un enthousiasme (pour aller vite) et d’autres qui le seraient moins, vous ayez, forts des rencontres et succès publics des quatre premières années, décidé d’ouvrir en 2013 votre programmation à des auteurs non pas moins célèbres, mais disons d’un accès, à juste titre ou pas, réputé plus difficile. Maeterlicnk, Brecht, Ovide.

LCP. Pour nous aussi, l’apprentissage de la démocratie est difficile… Habitués au fonctionnement autocratique (et je ne porte aucun jugement de valeur là-dessus) de nos compagnies respectives, il nous faut réapprendre à diriger ensemble : cela sonne presque comme un oxymore… Sans tomber dans la grosse gadouille pseudo-collective où finalement, il ne se passe plus rien. Le choix de jouer tel ou tel auteur se fait de façon collégiale et démocratique, comme toutes les décisions importantes qui régissent la vie de la troupe (arrivée d’un nouveau membre, approbation du budget annuel…). C’est peut-être ce qui pourra nous sauver du cynisme ambiant et nous éviter de tourner en rond. Une troupe d’acteurs, quand elle est vigilante, sait mieux éviter la routine et la complaisance qu’un metteur en scène seul avec son grand sceptre.

Ce choix de proposer des poètes moins connus est motivé, je crois, par notre peur de tomber dans la facilité. Nous sentons que le public du festival est enthousiaste et bienveillant – enthousiaste parce qu’il croit en la qualité de notre travail, bienveillant parce qu’il voit que essayons de faire trop avec trop peu de moyens (faire trop avec trop peu, cela définit bien notre travail). Nous voulons voir si ce même public nous suit quand nous prenons des risques. Mais prendre des risques ne signifie pas de se transformer tout à coup en apôtre du pessimisme théâtral (ce théâtre qui ne propose ni la vie ni la mort mais… rien). Tu parlais de fête. J’aime beaucoup cette image. Pour la continuer, peut-être essayons-nous simplement de changer le rythme de la musique – de la valse au tango, peut-être ?

Ce choix d’un répertoire plus moderne se fait aussi dans le plus pur héritage vilarien. Nous construisons une histoire avec notre public dans la durée (encore cette idée de permanence) et cela ne fonctionne que si nous restons fidèles à nous-mêmes et à nous désirs. Et nous désirions rappeler à notre public que ce répertoire réputé plus difficile, plus « sec » est dans la continuité des grands maîtres : Shakespeare, Hugo ou Corneille. Il y a aussi et surtout l’idée chère à Howard Barker que nous défendons : « Ce n’est pas mépriser le public que de lui proposer des œuvres complexes ». Nous croyons que Maeterlinck, Brecht et d’autres sont susceptibles de mobiliser les foules, parce qu’ils sont proposés dans le cadre d’un festival que le public connaît, avec des acteurs qu’il connaît. Nous agrandissons la famille, en quelque sorte.

Pour l’édition 2014, si elle voit le jour (et cela en prend le chemin, à la vue de la générosité des dons du public), deux projets sont à l’étude : Le Soulier de Satin de Paul Claudel, et une double tétralogie shakespearienne, De Richard II à Richard III. Nous voudrions, à l’occasion de ces œuvres fleuves, convoquer le public, comme l’Eglise pouvait le faire au Moyen-Age lors des représentations des mystères religieux. On consacrait alors une journée entière de son temps au théâtre. Je me souviens d’une interview de Maria Casarès où elle imaginait un spectacle répété pendant six mois et représenté une seule  fois. D’une certaine manière, nous lui répondons. Ces propositions sont la suite logique – aussi fou que cela puisse paraître – de notre aventure. Faire du théâtre autre chose qu’un objet de consommation culturelle, refaire de la représentation théâtrale une expérience qui marquera la vie des spectateurs.

Le site du NTP : http://festivalntp.com/

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