26 Juin Œdipe-Roi – Roméo et Juliette
Œdipe-Roi / Sophocle
Roméo et Juliette / Shakespeare
14, 15, 16 août, 2020 20h30 (Œdipe-Roi + Roméo et Juliette)
18 août, 20h30 (Œdipe-Roi) au Château du plessis-macé
19, 20 août, 18h30 (Œdipe-Roi) au Quai, CDN d’Angers
21 août, 18h30, 22 août, 16h (Roméo et Juliette) au Quai, CDN d’Angers
23 août, 16h30 (Œdipe-Roi + Roméo et Juliette) au château de la roche Morna, Sainte-gemmes-sur-loire
Œdipe-Roi de Sophocle
TRADUCTION Lazare Herson-Macarel et Sacha Todorov
ADAPTATION et MISE EN SCÈNE Lazare Herson-Macarel
COLLABORATION ARTISTIQUE Philippe Canales
COSTUMES Zoé Lenglare et Manon Naudet
RÉGIE GÉNÉRALE Thomas Chrétien
ADMINISTRATION ET PRODUCTION Lola Lucas assistée de Léonie Lenain
AVEC
Pauline Bolcatto, Philippe Canales, Emilien Diard-Detœuf, Elsa Grzeszczak, Eric Herson-Macarel
durée : 1h10
Roméo et Juliette de Shakespeare
TRADUCTION Yves Bonnefoy
ADAPTATION et MISE EN SCÈNE Léo Cohen-Paperman
COLLABORATION ARTISTIQUE Frédéric Jessua
COSTUMES Zoé Lenglare et Manon Naudet
RÉGIE GÉNÉRALE Thomas Chrétien
ADMINISTRATION ET PRODUCTION Lola Lucas assistée de Léonie Lenain
AVEC
Valentin Boraud, Céline Chéenne, Frédéric Jessua, Morgane Nairaud, Julien Romelard
durée : 1h10
durée du dyptique : 2h30 avec un entracte de 10 min
Œdipe-roi
Les historiens pensent que Sophocle a écrit Œdipe-Roi à la suite de l’épidémie de peste qui a ravagé Athènes en -430. Nous nous proposons de le représenter aujourd’hui en 2020, alors que nous avons toutes et tous été frappés par une autre épidémie, qui nous a plongés dans l’inconnu et la fragilité.
L’histoire d’Œdipe-Roi, si incroyable que cela puisse paraître à 2500 ans d’intervalle, c’est celle que nous traversons ici et maintenant : une épidémie meurtrière, un monde en état de catastrophe, un peuple désemparé, un roi qui se croit au-dessus de tout, une enquête qui aboutit à l’éclatement d’une vérité insoutenable, un système qui s’effondre parce qu’il s’est bâti sur le mensonge et sur le meurtre, et enfin la naissance d’un pays neuf ; désorienté, mais libre.
En proposant de recréer Œdipe-Roi en pleine crise sanitaire – malgré toutes les précautions nécessaires, toutes les incertitudes tenaces, toutes les interrogations en suspens, tous les débats non résolus y compris entre les membres de la troupe – le Nouveau Théâtre Populaire voudrait apporter sa pierre à l’édifice à peine commencé du théâtre d’après, et partager avec les spectateurs sa conviction : il faut maintenant un théâtre de refondation. Un théâtre pour se rassembler, prendre acte de la catastrophe, faire tomber les idoles, et nous permettre de comprendre comment basculer pour toujours d’une époque dans une autre.
Œdipe-Roi est une tragédie qui se termine bien. Après le départ d’Œdipe pour l’exil, l’oracle des dieux se réalise et la peste prend fin. Le peuple libéré du fléau reste seul, avec une nouvelle page d’histoire à écrire, un nouvel équilibre poétique et politique à inventer et à mettre en œuvre. En effet, ce bannissement final, cette remise en cause des fondements même de notre système, la nécessité de repenser les valeurs qui régissent notre existence – n’est-ce pas tout ce qu’il nous reste ?
Lazare Herson-Macarel
© Thierry Cantalupo
Roméo et Juliette
A Vérone, deux familles se vouent une haine ancestrale. Mais l’amour et la mort de Juliette et de Roméo, les deux amants que détestent les astres, mettra fin à la guerre que se livrent les pères.
Le théâtre est le lieu où les vivants dialoguent avec les morts dans l’espoir que leur disparition physique ne soit pas le prélude à leur destruction spirituelle. La crise que nous traversons confère à ce dialogue une nécessité nouvelle. Car notre monde a brutalement changé : c’est ce que nous proclament à longueur de journée les chœurs contemporains avec tous leurs mégaphones. Cette rupture profonde, dont on ne sait si elle durera un mois, un an ou un siècle, nous engage à un autre regard sur ce que le monde a produit de plus beau. De ce fait, et par un ricochet dont l’Histoire a le secret, la tragédie amoureuse écrite en 1591 par Shakespeare est devenue plus politique et donc plus nécessaire que jamais.
Que nous racontent aujourd’hui les deux enfants de Vérone qui n’avaient pas le droit de s’aimer ? Refusant de se conformer à ce que l’on attendait d’eux, ils ont fait le choix d’une vie courte, désirable et libre plutôt que longue, morne et soumise. Notre société contemporaine, à l’inverse, a décidé avec une facilitédéconcertante de sacrifier pour un temps sa liberté à sa sécurité. Au momentdes grandes peurs collectives, le rôle du théâtre est de questionner nos choix politiques, et donc d’envisager la désobéissance, sinon de la célébrer. Peut- être aussi, et plus simplement, qu’au moment où nous devons renoncer à nos enlacements quotidiens, la représentation de deux corps désirants, «ensorcelés l’un par l’autre », devient salutaire. A la fin de la pièce, pour que le sacrifice de leurs enfants ne soient pas vain, les deux familles acceptent defaire la paix : la transgression amoureuse, considérée jusqu’alors comme une folie irresponsable, a accouché d’une espérance politique.
Je crois que l’histoire du théâtre est une répétition : régulièrement, par contrainte ou par désir, on décide que sur scène, la pauvreté est la plus grande richesse. Le Nouveau Théâtre Populaire, depuis sa création en 2009, a fait sien ce vœu de pauvreté. Nous proposerons donc un Roméo et Juliette en une heure et adapté pour cinq acteurs. Dans nos bagages, quelques costumes, une cantine à accessoires… et c’est tout : j’imagine une petite forme frénétique et maladroite où l’engagement des acteurs, même contraint par les directives sanitaires, raconte quelque chose de notre désir irréductible de nous rassembler pour entendre des histoires. Oui, ce que le public du mois d’août 2020 viendra célébrer avec les artisans du drame, c’est d’abord le théâtre : plus que jamais dérisoire, archaïque et impuissant face à l’Histoire… Et pour ces raisons, plus que jamais nécessaire.
Léo Cohen-Paperman
© Thierry Cantalupo